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Le biopic français contemporain : un genre populaire postnational ?

RÉSUMÉ

Cet article explore les dynamiques contradictoires à l’œuvre dans les biopics français contemporains qui apparaissent d’une part comme les symptômes d’une culture cinématographique globalisée, ce dont témoigne l’appropriation récente du label ‘biopic’ dans le répertoire générique national, et d’autre part comme un écrin pour des histoires de vie qui restent ancrées dans une histoire et une culture nationales. Plusieurs facteurs expliquent ce positionnement paradoxal et conduisent à l’hypothèse d’une ère postnationale pour le genre : l’hybridation culturelle et cinématographique des représentations ; l’effacement de l’origine nationale des biopics dans le discours critique en raison de leur abondance dans les cinémas occidentaux ; le caractère bicéphale du biopic français, avec des films aux sujets biographiés locaux et aux ambitions locales et des films aux ambitions internationales consacrés à des héroïnes et des héros nationaux mais d’envergure internationale ; la mise en scène d’identités plus complexes et la diversification des mémoires ; l’utilisation de formes de multilinguisme ; l’exportabilité du genre, à la fois recherchée par les producteurs et en partie effective.

ABSTRACT

This article explores the contradictory dynamics at work in contemporary French biopics that appear on the one hand as symptoms of a globalised film culture, reflected in the recent appropriation of the ‘biopic’ label in the national genre lexicon, and on the other as a showcase for life stories that remain rooted in a national history and culture. Several factors explain this paradoxical positioning and lead us to hypothesise a postnational era for the genre: the cultural and cinematographic hybridisation of representations; the erasure of the national origin of biopics in the critical discourse owing to their abundance in Western cinemas; the two-headed nature of the French biopic, which includes films with local subjects and local ambitions as well as those with international ambitions devoted to figures who are national but with an international status; the mise en scène of more complex identities and the diversification of memories; the use of different types of multilingualism; and the exportability of the genre, both sought after by producers and in some cases successful.

Depuis le début des années 2000, se sont imposés dans la production cinématographique française plusieurs genres qui ne faisaient pas partie du répertoire générique national et qui empruntent une formule générique, des références, des thématiques ou une iconographie hollywoodiennes, sinon internationales : la comédie romantique, dont Décalage horaire (Danièle Thompson, 2002) peut être considéré comme une des premières occurrences ; le biopic dont La Môme de Olivier Dahan, sorti en 2007, constitue une étape essentielle dans l’appropriation du genre ; et, dans une moindre mesure, le film d’horreur qui s’est déplacé du cinéma de genre où il a percé au début de la décennie (Haute tension, Alexandre Aja, 2003) vers le cinéma d’auteur (Grave, Julia Ducournau, 2016). Cela ne veut pas dire que ces genres se sont développés dans le cinéma français sans spécificités, ni qu’ils sont radicalement nouveaux dans la production française. Il existait par exemple des films biographiques en France bien avant qu’on les appelle des biopics (Moine Citation2010). Mais, outre que les films qui relèvent de ces genres sont plus nombreux que dans les décennies antérieures, l’adoption et l’usage des catégories génériques « comédie romantique » ou « biopic » viennent consolider leur intégration dans la production française, scellant ainsi la conscience du genre. Alors que ces labels n’étaient pas usités dans le contexte national antérieurement, ils sont non seulement progressivement adoptés par la critique et par le grand public à la fin des années 2000, mais les distributeurs et les agences chargées de la promotion des films, initialement réticents à se servir de ces étiquettes, se mettent plus ouvertement à les utiliser. De même, dans le cadre de son « appel à projets de films de genre », créé en 2018 et destiné à « encourager la diversité des genres au cinéma et élargir la palette narrative des projets proposés », le CNC a retenu en 2021–2022 la comédie romantique, et à deux reprises l’horreur (ou plus exactement une catégorie baptisée « fantastique, science fiction, épouvante »). Comme le montre par exemple la réception critique des comédies romantiques françaises, la naturalisation du genre, qui se marque par la disparition des guillemets, s’opère dans un dialogue, pas toujours serein, avec des « modèles anglo-saxons », qu’il s’agisse de dénigrer un genre global, de déplorer de pâles imitations françaises qui n’égalent pas leurs modèles globaux, ou au contraire de « célébrer Hollywood sans pour autant faire de la France un autre négatif » (Harrod Citation2015, 194).Footnote1 Le même phénomène peut être observé à propos des biopics, notamment à la fin de la décennie 2000 dans le sillage du succès de La Môme (Moine Citation2010, 270), même si les réalisateurs, lorsqu’ils ambitionnent de faire œuvre d’auteur, cherchent à prendre leurs distances avec le genre, par l’adoption de choix narratifs et formels plus « expérimentaux », et/ou par l’utilisation d’un qualificatif plus singulier, comme le fait Joann Sfar avec Gainsbourg (Vie héroïque) (2010) en usant d’une parenthèse ironique dans le titre et en présentant son film comme un « conte », jusque sur son affiche.

Toutefois le biopic a ceci de singulier qu’il conserve un fort ancrage national. Bien que l’esprit d’édification civique, longtemps prévalent au cinéma et à la télévision française (Burch et Sellier Citation2013, 243), se soit estompé en même temps que se raréfiaient ou s’hybridaient, en France comme dans les autres cinématographies occidentales, les formules purement hagiographiques ou « célébratoires » (celebratory) – pour reprendre la terminologie de Dennis Bingham (Citation2010), les films biographiques continuent de contribuer à la construction d’une mémoire ainsi que d’une culture commune qui conserve une dimension nationale.

[Si] la mémoire et l’histoire sont des questions centrales dans l’étude du biopic comme genre international […] les inflexions nationales et culturelles spécifiques du genre signifient que, comme cela l’a été montré dans le cas du biopic classique américain, l’écriture biographique ne peut être séparée de l’écriture de la nation. (Vidal Citation2014, 22–23)Footnote2

Cet ancrage national est notamment visible, sur un plan thématique, par la nationalité des personnages biographiés dans les films français contemporains : sur 66 biopics sortis sur les écrans entre 2007 et 2021, 54 ont pour héros des personnages français. Par exemple, toutes et tous les artistes peintres, sculptrices et sculpteurs sont français et on compte huit écrivains français de langue française dont la vie est portée à l’écran pour un seul écrivain étranger, Tchekhov (Anton Tchekhov 1890, René Feret, 2015). De plus, quand les biopics français s’intéressent à un personnage étranger, ils privilégient des personnalités qui sont, sinon partie prenante d’un récit national, au moins rattachées à l’histoire nationale parce qu’elles ont vécu en France (où se situe donc, en totalité ou partiellement le récit). Ainsi c’est sa liaison avec Chanel qui motive l’intérêt pour le compositeur, unique artiste musical étranger du corpus, dans Coco Chanel et Igor Stravinsky (Jan Kounen, 2009). De même l’action de La Danseuse (Stéphanie di Giusto, 2016), consacré à Loïe Fuller, se passe essentiellement à Paris.

Les biopics français contemporains sont ainsi traversés par des dynamiques contradictoires, apparaissant d’un côté comme des symptômes d’une culture cinématographique globalisée, et de l’autre comme un écrin pour des récits de vie qui restent en prise avec une histoire et une culture nationales. Cet article entend donc évaluer et explorer ce qui paraît de prime abord un paradoxe : dans quelle mesure le biopic français contemporain, a priori un des genres les plus emblématiques d’un « cinéma national », est-il aujourd’hui devenu un genre postnational, si l’on admet que les notions de « national » et de « postnational » ne sont pas diamétralement opposées, mais « sont liées entre elles, comme des gradations sur une échelle où la mondialisation et le nationalisme sont des éléments polaires qui structurent et délimitent en même temps un système cohérent » (Hernández-Durán Citation2011, 14) ?Footnote3 Pour analyser ce positionnement paradoxal et complexe du genre, je mobiliserai l’ensemble des biopics français produits de 2007 à 2021, avec une exploration plus analytique de quelques cas illustrant l’articulation nouvelle du national et du global que je considère comme un symptôme de la dimension « postnationale » du genre. Après avoir examiné la porosité entre biopics nationaux et biopics internationaux qui met en place dans la réception à partir de 2007 et La Môme – ce film jouant un rôle pivot dans l’histoire du genre (Moine Citation2010) –, j’explore la nature « polyphonique » d’un certain nombre de biopics français contemporains : s’exprimant dans le plurilinguisme, dans la mise en scène d’identités fragmentées et complexes, et dans une ouverture vers plus de diversité mémorielle, cette polyphonie contribue à faire entrer les biopics qui la pratiquent dans une ère postnationale. Enfin j’envisage le postnational du point de vue de la stratégie de production : si une partie des biopics restent franco-français dans leurs ambitions (et leurs sujets), les biopics français qui visent explicitement un marché domestique et un marché international tressent de manière diverse national, international et global afin de s’adresser à un double public.

Naturalisation et déterritorialisation du genre

Les 66 films – productions ou coproductions à majorité française – que j’ai identifiés comme des biopics de 2007 à 2021 représentent environ quatre films par an, ce qui ne correspond guère qu’à 1,5 % à 2 % de la production nationale suivant les années, un pourcentage qui amène à relativiser la déferlante de biopics dans le cinéma national. Cette perception biaisée s’explique notamment par le fait qu’un certain nombre de biopics sont des films à gros budgets – plus de 10 millions d’euros pour un tiers d’entre eux pendant la période 1995–2014 (Unifrance Citation2021, 6) – souvent associés à la présence d’une vedette en tête d’affiche – par exemple, Audrey Tautou dans Coco avant Chanel (Anne Fontaine, 2009), Pierre Niney dans Yves Saint Laurent (Jalil Lespert, 2014) et La Promesse de l’aube (Éric Barbier, 2017), ces deux mêmes acteurs rejoints par Lambert Wilson dans L’Odyssée (Jérôme Salle, 2016). Ces films chers font donc l’objet d’intenses campagnes de promotion, ce qui accroît leur visibilité et celle-ci est décuplée par les annonces, parfois très en amont de la mise effective en production, de nouveaux projets : annoncé à plusieurs reprises depuis 2012, le biopic consacré à Yves Montand n’a à ce jour pas encore été tourné. De même, celui consacré à Charles Aznavour a fait l’objet d’un teasing soigneusement orchestré, avec un dévoilement très médiatisé de son casting (Tahar Rahim dans le rôle du chanteur) en début d’année 2023 pour une sortie en salles prévue en fin d’année 2024. Mais l’analyse de la réception révèle aussi qu’à partir du début des années 2010 les films français tendent à être mis en série dans la critique, non plus avec d’autres biopics nationaux pour condamner un « filon » opportuniste, ni avec des films hollywoodiens pour souligner l’importation de la formule en France, mais avec un ensemble varié de biopics de différentes provenances fleurissant sur les écrans français. Ainsi en 2013 L’Obs conclut son article où il annonce la préparation d’un biopic sur Yves Montand en ces termes :

Le genre du biopic est particulièrement porteur en ce moment : celui consacré à Claude François a dépassé le million d’entrées en une semaine, Meryl Streep vient de conquérir un nouvel Oscar dans le rôle de Lady Thatcher, et un Dalida, annoncé l’an dernier, est en cours de préparation ainsi qu’un Grace Kelly outre-Atlantique. (Boussageon Citation2013)

Quatre ans plus tard, à la sortie de Dalida, dans un article dont le titre et le sous-titre laissent présager une analyse du phénomène dans le contexte cinématographique national – « La France se pique de biopics. Souvent consacrées à des artistes brûlés par la vie, les hagiographies filmées prolifèrent depuis une dizaine d’années, de ‘La Môme’ ou ‘Cloclo’ à ‘Dalida’ » – Le Monde énumère une liste de biopics visibles sur les écrans français :

Depuis les années 1980, un regain croissant de films biographiques – ou biopics, selon la terminologie hollywoodienne – dépose sur les écrans de cinéma la moire des destins d’exception. Ces derniers jours sortent en France Le Fondateur (Ray Kroc, inventeur de la franchise McDonald’s), de John Lee Hancock, et Neruda (poète chilien qu’on ne présente plus), de Pablo Larrain, qui seront incessamment rejoints par Le Divan de Staline, de Fanny Ardant, et Jackie (Kennedy), du même Larrain. En attendant, c’est Dalida, icône tragique de la chanson française, auréolée de gloire et suicidée en 1987, qui est aujourd’hui embaumée par les soins de Lisa Azuelos. (Mandelbaum Citation2017)

Bien que l’origine hollywoodienne de l’appellation soit encore rappelée, l’origine des films eux-mêmes semble ne plus avoir de pertinence dans un cinéma occidental aujourd’hui globalement « biophage ». Si les personnages biographiés restent ancrés dans une culture et une mémoire françaises (« Dalida, icône tragique de la chanson française »), leur mise en série se fait avec des personnalités et des films de provenance variée, suggérant que la forme globalisée du biopic et la célébration des destins d’exception recouvrent désormais en partie la dimension strictement nationale.

Cette relative déterritorialisation, perceptible dans la réception critique, est facilitée par l’adoption récente d’une formule mélodramatique qui aligne les biopics français sur la formule canonique de leurs parèdres hollywoodiens et par leur tendance à revitaliser des icônes populaires de la deuxième moitié du vingtième siècle (Moine Citation2017, 117–123). L’utilisation, l’imitation ou la recréation d’un impressionnant stock d’archives audiovisuelles, qui forment aujourd’hui le substrat d’une mémoire tant individuelle que collective (Vidal Citation2014, 22), accentuent de fait une porosité entre biopics nationaux et biopics internationaux, non seulement parce que ces pratiques y sont partagées, mais parce que dans une époque de circulation globale des images et des sons les spectateurs français disposent d’un répertoire mixte, qui entremêle cultures visuelles et sonores locales et internationales. Ainsi les images de Jackie Kennedy (ses tailleurs, le voyage des Kennedy à Paris, l’attentat de Dallas, etc.), familières au public français, sont de ce fait partie prenante de la culture visuelle commune. De même, les idoles de la pop music anglo-saxonne et les vedettes de la variété française alimentent également l’experience musicale ordinaire en France, même si les émotions suscitées divergent, comme Phil Powrie l’a montré dans les films français contemporains, où les chansons anglophones dominent depuis les années 1990 mais tendent à apporter une note contemporaine là où les chansons françaises convoient plutôt un sentiment de nostalgie (Powrie Citation2017, 155). Si la culture globale devient dès les années 1950 « un idiome supplémentaire à travers lequel se forme une identité additionnelle » (Schwartz Citation2007, 6), cette identité secondaire est principalement déterminée par l’influence et la puissance culturelle états-unienne et aboutit à ce que les Français, comme d’autres, aient plus d’une identité (Harrod Citation2015, 186).Footnote4 La Môme, qui joue un rôle pivot dans l’apparition du biopic en France, est une bonne illustration de cette dualité culturelle, inscrite explicitement dans le corps du film.

Le film, pourtant consacré à celle qui fut la chanteuse française de l’après-guerre par excellence, commence par un concert donné par Edith Piaf (Marion Cotillard) en anglais au Carnegie Hall où elle interprète « Heaven Have Mercy », et propose une série d’allers et retours entre Paris et les États-Unis, ce qui peut être déroutant pour le public français (voir ). Il accorde donc une place privilégiée à la carrière internationale, réduite ici aux tournées américaines, de l’icône française à la petite robe noire et à la gouaille parisienne. Sur un plan plus textuel, la structure éclatée de La Môme – où une chanson appelle un épisode de la vie de Piaf qui à son tour appelle une chanson, etc. – permet la synthèse entre la tradition musicale française de la chanson réaliste, où la chanteuse met en scène dans ses performances, placées sous le signe de l’authenticité et de l’excès, sa propre existence, plus souvent ses souffrances que ses bonheurs (Conway Citation2004, 9) et la tradition hollywoodienne de la comédie musicale où les épisodes spectaculaires et chantés et les épisodes « vécus » se répondent en miroir (Vincendeau Citation2009). Ce procédé, qui est également à l’honneur dans les biopics musicaux américains contemporains (Schlotterbeck Citation2008), favorise le rapprochement entre La Môme et le biopic hollywoodien et fait de La Môme une entité culturellement hybride. De plus, le film de Dahan, qui insiste sur l’enfance misérable de Piaf, ses débuts difficiles, le pénible long dressage qu’elle subit de la part de Raymond Asso pour devenir une véritable chanteuse, fixe l’image d’une self-made woman qui devient une star internationale au prix d’un travail acharné et de grandes souffrances, comme l’a montré Jules Sandeau. Selon lui, le biopic propose un scénario proche de celui de A Star Is Born (George Cukor, 1954) qui renvoie plus largement à un imaginaire américain du succès conquis et conservé à force de persévérance. La Môme articule donc de manière cohérente francité et américanité, et, pour Sandeau, la performance de Cotillard, mise en série avec Judy Garland par la presse états-unienne, pose donc les bases d’une image de star parfaitement lisible pour le public états-unien, qui contribue à l’implantation ultérieure réussie de Cotillard dans le cinéma hollywoodien (Sandeau Citation2021).

Figure 1. La séquence d’ouverture de La Môme (Olivier Dahan, 2007) : Edith Piaf (Marion Cotillard) au Carnegie Hall.

Figure 1. La séquence d’ouverture de La Môme (Olivier Dahan, 2007) : Edith Piaf (Marion Cotillard) au Carnegie Hall.

Ainsi, La Môme, qui a favorisé l’appropriation d’une formule narrative américaine, la mise en production d’autres biopics à cause de son succès ainsi que l’apparition en France de la catégorie générique « biopic », constitue une sorte de terminus a quo de la forme « postnationale » du biopic français. Le film est emblématique d’un double mouvement caractéristique du genre : ce dernier incorpore des éléments esthétiques, stylistiques, narratifs, thématiques et linguistiques globaux ou internationaux dans des récits concernant, en général, des figures et des icônes nationales, et il propose, à travers le portrait de ces figures, une redéfinition de la francité, tant au niveau national qu’à l’exportation. Le biopic réalise ainsi le processus d’« impersoNation », théorisé par Thomas Elsaesser, selon lequel le cinéma ne peut s’empêcher d’être le résultat d’opérations transnationales complexes, une identité nationale clairement définie ne pouvant souvent qu’être imitée par les films afin de conférer au produit fini une identité nationale fictive, qui fonctionne comme une valeur de marque ajoutée. Elsaesser élabore le concept à propos des cinémas européens des années 1980–1990, dont il qualifie quasiment toute la production de postnationale parce que pour lui le national est devenu un paramètre de second plan : il applique la notion aussi bien au heritage cinema, qu’au cinéma du look, aux films de festival, qu’aux films comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (Jean-Pierre Jeunet, 2001) ou Good Bye, Lenin ! (Wolfgang Becker, 2005) qui affichent de manière presque consciente et délibérée, nostalgique ou ironique, des marqueurs de leurs provenance. Ainsi, le biopic postnational « n’affirme pas son identité dans la différence », mais « se présente comme l’impersoNation de la ‘différence’ »Footnote5 (Elsaesser Citation2005, 72).

Des biopics polyphoniques ? Identités complexes, multilinguismes et diversification des mémoires

La Môme présente également deux autres caractéristiques, qui redoublent sa dimension postnationale, et qu’on retrouve dans un certain nombre de biopics français contemporains : l’usage (ponctuel) d’une autre langue que le français, puisqu’on y entend quelques chansons mais aussi quelques fragments de dialogue en anglais ; et sa capacité d’exportation à l’international. Parmi les 66 biopics de mon corpus, 24 font usage totalement ou partiellement, mais de manière non anecdotique, d’une autre langue que le français. Seuls deux films ont été tournés directement en anglais : The Lady (Luc Besson, 2011), une production EuropaCorp mettant à l’honneur Aung San Suu Kyi, et Grace de Monaco (Olivier Dahan, 2017), une coproduction internationale avec participation américaine où Nicole Kidman et Tim Roth prêtent leur visage et leur voix au couple princier du Rocher. Ces deux biopics, consacrés à des personnalités internationales, sont explicitement tournés vers une exploitation internationale, où ils ont davantage fait recette qu’en France – et incomparablement plus pour Grace de Monaco vu par seulement 297 175 spectateurs en France contre 3 540 325 à l’étranger. Si ces deux films font figure d’exception, il est toutefois intéressant de constater que la tentation de tourner en anglais a aussi gagné le genre biopic alors que les films français anglophones sont quasi exclusivement des films d’aventures ou fantastiques (des productions EuropaCorp, notamment).

Les 22 autres films utilisent, en plus du français qui y est la langue majoritaire parlée, une ou plusieurs autres langues d’une façon plus substantielle que le simple postcarding, un procédé qui permet simplement d’insérer quelques bribes d’une langue étrangère pour signifier la nationalité d’un personnage ou situer une scène dans un pays étranger (Wahl Citation2005, 2). Le changement de langue accompagne par exemple des personnages en situation de déplacement qu’il s’agisse par exemple d’un voyage dans une carrière internationale ou d’une expérience de migration : ainsi dans Dalida l’italien (et de manière plus ponctuelle l’anglais et l’arabe dans les scènes consacrées à l’enfance égyptienne de la chanteuse) occupe une place non négligeable – tout l’épisode du festival de San Remo et de la liaison tragique de Dalida avec Luigi Tenco ; dans Aline (Valérie Lemercier, 2021) le code-switching entre français du Québec et anglais, adopté par Aline (Lemercier) et son mari et producteur Guy Claude, témoigne à la fois de la sortie du giron maternel et de l’accession de la chanteuse à une renommée internationale (apprendre l’anglais y est présenté comme un défi) ; dans Omar m’a tuer (Roschdy Zem, 2011), un interprète intervient dans plusieurs scènes de l’enquête et du procès d’Omar Raddad, le jardinier marocain et quasi uniquement arabophone arrêté pour le meurtre de son employeuse, Ghislaine Marchal, contribuant à mettre en exergue le racisme ordinaire et faisant de la langue un outil supplémentaire de l’oppression qui transforme Omar en coupable idéal ; Marie Heurtin (Jean-Pierre Améris, 2014) alterne français et langue des signes française dans son évocation de la vie d’une jeune fille aveugle et sourde de la fin du dix-neuvième siècle ; dans Le Jeune Karl Marx (Raoul Peck, 2016), film coproduit par la France, l’Allemagne et la Belgique, le multilinguisme (français, anglais, allemand) n’est pas seulement un instrument de réalisme puisqu’il accompagne les exils de Marx, ses discussions avec les différentes et différents révolutionnaires de l’Europe du milieu du dix-neuvième siècle, et les révoltes ouvrières qui traversent le continent de cette époque. Sans être des films polyglottes (c’est-à-dire multilingues, où la diversité linguistique est la matière du récit et non un simple véhicule), de nombreux biopics sont infusés de multilinguisme ou de différence linguistique, et cela concerne aussi bien les productions populaires que les films d’auteur qui mettent en dialogue ou en tension le français avec autre langue : la mise en dialogue ou en tension du français avec autre langue n’est donc pas une pratique qui serait réservée aux biopics plus expérimentaux ou explicitement plus ambitieux artistiquement.

L’ouverture linguistique d’un certain nombre de biopics, qui ne s’observait quasiment pas avec les films patrimoniaux des années 1980 et 1990, s’explique certes en partie par des enjeux économiques et commerciaux, liés aux stratégies de coproduction et à la volonté de toucher les spectateurs au-delà du marché domestique en sortant le genre de son écrin franco-français. Mais elle témoigne aussi de la capacité des biopics récents à outrepasser les limites métropolitaines en s’intéressant aux identités multiples, transnationales ou postcoloniales dans le cas de Dalida ou de Cloclo (Florent-Émilien Siri, 2012), des icônes nationales qui gagnent ainsi une identité plus complexe. Cette ouverture est favorisée par l’entrée dans ce que l’historien François Dosse appelle « l’âge herméneutique » de la biographie marqué par une déconstruction et une redéfinition de la notion d’identité et caractérisé notamment par l’abandon de l’illusion biographique et la reconnaissance de la nature plurielle des identités (Dosse Citation2005, 327–397). Si l’abandon d’une identité unique et monolithique se traduit dans certains films populaires par une pluralité linguistique et un récit plus transnational, les biopics d’auteur, qui s’auto-définissent parfois comme des anti-biopics pour marquer leur différence avec les formules canoniques du genre, privilégient la déconstruction de l’identité en adoptant des formes plus expérimentales, à l’instar de I’m Not There (Todd Haynes, 2007) dans lequel six acteurs (dont une femme, Cate Blanchett) incarnent différentes facettes de la légende Bob Dylan, le chanteur n’étant lui-même jamais nommé dans le film. Comme le montre Belén Vidal dans ce même numéro, Barbara (Mathieu Amalric, 2017) refuse de répondre à la question « qui est Barbara ? » en jouant sur une tradition musicale nationale mais en inscrivant toutes les performances chantées dans des espaces mouvants, nomadiques, des non-lieux où une actrice, Brigitte (Jeanne Balibar) crée une scène où elle devient Barbara (Vidal Citation2024). Le recours à un double, la marionnette appelée « La Gueule » dans Gainsbourg (Vie héroïque) vient également briser l’unité du sujet biographié. « La Gueule » est tout d’abord une marionnette obèse, issue d’une caricature antisémite placardée sur un mur de Paris sous l’Occupation qui poursuit le petit Lucien, jeune enfant juif, et que celui-ci transforme, par ses dessins, en figure plus positive, le longiligne « Professeur Flippus » (voir ). « La Gueule » incarne donc à la fois le traumatisme initial du jeune Gainsbourg et sa capacité de résilience, puisque la première apparition du double longiligne correspond à la première séquence où sont dévoilés ses multiples talents. Enfin, si « la Gueule » est vraisemblablement imaginée en écho à « Gainsbarre » – le double alcoolique et décadent que Gainsbourg s’est inventé dans les années 1980 pour parfaire son image de poète maudit –, elle n’est pas toutefois à proprement parler une figure maléfique et autodestructrice : lorsqu’elle réapparaît, assez régulièrement, dans le film, c’est plutôt comme une conscience, comme une figure du libre arbitre. Si « La Gueule » ou « Le professeur Flippus » viennent renforcer la position de toute puissance de Gainsbourg dans la grande tradition de l’artiste romantique et contrebalancer la dimension négative de ses excès, ils peuvent aussi être interprétés comme des alter ego ethniques ou ethnicisés, des fantômes impossibles à laisser derrière soi, symptômes pour le chanteur d’une réconciliation impossible entre identité juive et identité nationale (Burgoyne Citation2014, 272).

Figures 2, 3 et 4. Gainsbourg (vie héroïque) (Joann Sfar, 2010) : l’affiche antisémite (en haut), « la Gueule » (au centre) et « le professeur Flippus » (en bas).

Figures 2, 3 et 4. Gainsbourg (vie héroïque) (Joann Sfar, 2010) : l’affiche antisémite (en haut), « la Gueule » (au centre) et « le professeur Flippus » (en bas).

Il convient également de noter que les biopics français, même s’ils privilégient dans leur immense majorité des héroïnes et des héros français et blancs, commencent à s’ouvrir à la diversité ethnique, à rendre compte d’une France multiethnique et multiculturelle – le groupe de rap NTM dans Suprêmes (Audrey Estrougo, 2021) ou le jeune prodige des échecs bangladais Fahim Mohammad dans la success story intégrationniste Fahim (Pierre-François Martin-Laval, 2019) – ou à faire entrer dans leur entreprise mémorielle des personnes non blanches, souvent dans un souci de réparation mémorielle – Omar m’a tuer et Chocolat (Roschdy Zem, 2011 et 2016) ; Vénus noire (Abdellatif Kechiche, 2009). Néanmoins seuls huit biopics réalisés entre 2007 et 2021 sont consacrés à un personnage principal « perçu comme non blanc » pour reprendre la terminologie de l’étude Cinégalités, alors que cette dernière évalue à 19 % le nombre de films français sortis en 2019 qui ont un personnage principal perçu comme non blanc (Cervulle et Lécossais Citation2021, 24). Et parmi ces huit biopics se trouve L’Autre Dumas (Safy Nebbou, 2010), qui relate la collaboration entre Dumas et son prête-plume Maquet et travaille à blanchir l’écrivain : pour incarner l’écrivain, il confie le rôle à un Gérard Depardieu blond et frisotté pour l’occasion, au lieu d’employer un acteur métis. Le film Chocolat illustre bien les difficultés auxquelles est actuellement confronté le biopic français lorsqu’il entend élargir le spectre mémoriel en donnant une visibilité à une personnalité non blanche, en l’occurrence ici l’artiste Chocolat, descendant d’esclave cubain qui devint dans le Paris de la Belle Époque un clown d’une notoriété extraordinaire. Le biopic vient en point d’orgue d’un long travail d’enquête mené par l’historien Gérard Noiriel (Citation2012) sur l’artiste à partir d’un matériel archivistique épars et très incomplet, qui a donné lieu à la publication en 2012 d’un ouvrage de recherche, Chocolat clown nègre. L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française et à l’écriture d’un spectacle-débat Chocolat Clown nègre, mis en scène par Marcel Bozonnet et joué sur différentes scènes de France par la compagnie « Les Comédiens Voyageurs ». En 2016, la sortie du film est accompagnée d’un nouvel ouvrage de Noiriel (Citation2016), à destination cette fois du grand public, Chocolat. La véritable histoire d’un homme sans nom, d’une série de conférences et d’exposition et de la mise en ligne d’un site https://clown-chocolat.com fixant sur la toile « la mémoire retrouvée ». Roschdy Zem, auquel les producteurs (les frères Altmayer) proposent le projet avec l’accord de principe d’Omar Sy pour tenir le rôle, ne cache pas son intention de réhabiliter le personnage, de faire en sorte qu’il reste une trace de lui dans la mémoire collective, et il relie ce désir à sa propre situation :

Lorsqu’on a reçu le prix de l’interprétation à Cannes pour Indigènes, un article mentionnait « les quatre acteurs beurs ». C’est là que l’on s’est demandé à quoi cela pouvait bien servir de faire tout cela si on continue de nous voir comme des acteurs beurs. L’histoire du clown Chocolat montre que l’on pouvait disparaître sans laisser de traces et cela renvoie également à notre propre parcours et à cette question que l’on pose tous : « Qu’allons-nous laisser derrière nous ? » (Duval Citation2015)

Or, si l’affiche du film place au premier plan Chocolat (et la star Omar Sy) en pleine gloire, les bras ouverts pour saluer le public du Nouveau Cirque, en reléguant son compère Footit (James Thierrée) au loin sur la piste (voir ), le biopic enferme Chocolat dans une spirale mélodramatique (à la fin de sa vie, il n’était pas devenu un simple balayeur dans un cirque, qui s’éteint de la tuberculose et dans les bras de Footit venu à son chevet malgré la dissolution de leur tandem, mais il était toujours clown dans le cirque Rancy en représentation à Bordeaux). Et le film se centre sur le duo formé par les deux clowns, alors que, comme le rappelle l’historienne des arts du spectacle et des imaginaires coloniaux Sylvie Chalaye (Citation2016), Chocolat avait connu le succès bien avant sa rencontre avec Footit et n’avait pas besoin que Footit le prenne en main pour lui apprendre le métier de clown. Ce faisant, Chocolat finit par se faire le récit « d’une amitié impossible entre le Noir et le Blanc » (y aurait-il là une volonté de reprendre la recette d’Intouchables [Olivier Nakache et Éric Toledano, 2011], en plus d’employer sa star Omar Sy ?) et le contraste appuyé et réitéré entre les deux personnages – Footit est aussi raisonnable, sérieux et fidèle que Chocolat est dandy, joueur, volage, dépensier – finit par reproduire les clichés racistes qui circulaient à la Belle Époque. Chalaye, qui ne dénie pas au film sa volonté de dénoncer le racisme et les paradoxes d’une société française qui rit avec condescendance des pochades du clown noir, lui reproche de reproduire, au détriment de la complexité du destin de Chocolat le script de « la chute vertigineuse d’un pauvre nègre qui a voulu s’arracher à sa condition, sortir de sa peau et que la fatalité ramène à son point de départ ».Footnote6

Réduire la vie et le triomphe de Chocolat au duo qu’il a formé avec Footit, c’est aussi faire le jeu encore une fois de la biographie bidonnée de Franc-Nohain qui avait fait de Chocolat un héros à la sans famille. Ce beau livre illustré était une romance truffée de bons sentiments, entièrement fabriquée pour accompagner la légende du tandem et proposer un livre d’images aux enfants. Le film de Roschdy Zem réduit encore une fois Chocolat à une figure victimaire et passe à côté de sa dimension héroïque. Pourquoi ne pas avoir ouvert une fenêtre sur l’autre vie de Chocolat, celle du danseur ?Footnote7 (Chalaye Citation2016)

Figure 5. Affiche du film Chocolat (Roschdy Zem, 2016).

Figure 5. Affiche du film Chocolat (Roschdy Zem, 2016).

Comme on le voit avec cet exemple, l’ouverture des biopics à une dimension multiculturelle, qui est un élément nouveau et novateur dans le genre, rencontre des débats qui sont actifs dans la France contemporaine sur la figuration des mémoires des minorités et des mémoires coloniales.

Biopics postnationaux ou France for export ?

Si La Môme avec ses 6 055 467 entrées à l’international (pour 5 263 241 sur le marché domestique) et l’Oscar remporté par Marion Cotillard constituent un succès exceptionnel, le biopic reste un atout pour le cinéma français contemporain sur les marchés internationaux. Comme l’indique le rapport d’Unifrance sur l’exportation des différents genres français de 1995 à 2019, le genre présente un ratio de présence à l’étranger très élevé (95 %).Footnote8 Il est celui dont les films sortent sur le plus grand nombre de territoires et il comptabilise sensiblement le même nombre de spectateurs en France et hors de France. Comme le conclut ce rapport :

Le succès mondial de La Môme a sans nul doute donné un élan à la réalisation de ce genre de films et lui a ouvert les portes de l’international : de nombreuses icônes françaises (principalement issues du monde de la mode et de la culture) sont célèbres au-delà des frontières nationales et la sortie d’un film sur leur vie a une forte résonance auprès de ces publics, même ceux plus [sic] culturellement et géographiquement plus lointains. Le biopic dément son apparence trop « franco-française » et s’avère un genre-clé assurant la présence française et son prestige sur les marchés cinématographiques étrangers. (Unifrance Citation2021, 16)

Le biopic prend ainsi le relai des films patrimoniaux des années 1990, à la différence près que les héroïnes et héros contemporains tendent à relever d’un « héritage médiatique » (le monde de la mode et de la culture évoqué par Unifrance) alors que les films historiques ou biographiques patrimoniaux des années 1980 privilégiaient un « héritage officiel » (Moine Citation2017, 125–126). Les résultats des biopics français sur les écrans étrangers révèlent toutefois des variations importantes. Sur les 20 premiers films biographiques français au box-office mondial, 10 films réalisent plus d’entrées à l’international qu’en France : il s’agit, par ordre, de La Môme, Coco avant Chanel qui réussit même l’exploit de rassembler un demi-million de spectateurs au Royaume Uni), Grace de Monaco, Le Jeune Karl Marx qui fait six fois plus d’entrées à l’étranger que sur le territoire national, Renoir (Gilles Bourdos, 2013), The Lady, Coco Chanel et Igor Stravinsky, Gauguin (Édouard Deluc, 2017), La Danseuse et Violette (Martin Provost, 2013) – les scores de ces deux derniers films étant relativement proches sur les deux marchés (Unifrance Citation2021, 18). Yves Saint Laurent (Lespert, 2014) se classe également quatrième de ce top 20, même si son succès hexagonal (1 646 727 spectateurs) reste 1,7 fois supérieur à son score mondial.

Les résultats à l’exportation témoignent de la dimension bicéphale des biopics français contemporains. D’un côté persistent des biopics « franco-français », qui s’exportent peu ou mal, plutôt à petits budgets, consacrés à des figures strictement nationales, souvent ancrés dans une actualité médiatique nationale relativement récente, en rapport par exemple avec la vie politique nationale comme Coluche, l’histoire d’un mec (Antoine Decaunes, 2007) ou La Conquête (Xavier Durringer, 2011), ou avec des affaires ou des faits divers qui ont défrayé la chronique comme Omar m’a tuer, La Fille de Brest (Emmanuelle Bercot, 2016) ou L’Outsider (Christophe Barratier, 2016). De l’autre, il existe un ensemble de biopics qui s’exportent (ou sont susceptibles de s’exporter, même hors des limites de la francophonie), consacrés à des figures panthéonisées ou à des icônes médiatiques des arts, de la culture, de la mode, à forte visibilité internationale, dans des productions à plus gros budget, qui utilisent le français et une autre langue – voire, dans le cas de The Lady et de Grace de Monaco, qui sont tournés en anglais. Ce deuxième ensemble peut ainsi être qualifié de « postnational » du point de vue de la stratégie de production : même si cela est moins flagrant que sur les plateformes de streaming ou qu’avec les Netflix Originals français, ces fictions sont pensées dès le stade du développement en vue du marché de l’exportation. La nation reste le principal contexte de production des films, mais aussi leur principale destination, puisque le marché national reste de loin le plus grand marché pour la plupart des films français, mais le marché international n’est plus pensé comme purement ancillaire.

Les deux biopics « concurrents » consacrés au couturier Yves Saint Laurent, Yves Saint Laurent (Jalil Lespert, 2014) et Saint Laurent (Bertrand Bonello, 2014), permettent d’évaluer ce tressage de la culture internationale ou globale et de la culture globale et de comparer deux configurations différentes du postnational, avec un biais limité puisqu’il s’agit du même personnage biographié et de deux films strictement contemporains. Le choix aurait pu se porter sur les deux films consacrés à Chanel, eux aussi strictement contemporains, mais l’analyse qu’en a faite Ginette Vincendeau (Citation2014) donne déjà un certain nombre d’éléments permettant d’évaluer le tressage du national et de l’international que ces deux biopics féminins proposent. Les deux biopics consacrés à Saint Laurent, tout en racontant une partie de la vie du couturier, icône nationale et internationale de la mode, célèbrent ce qui constitue aujourd’hui des marques globales identifiées comme françaises (French-identified global brands), et participent à la fois d’une stratégie de promotion de la marque et d’une recherche d’audience internationale pour le cinéma français, tout comme le faisaient les deux biopics sur Chanel sortis quelques années plus tôt (Vincendeau Citation2014, 189–191). Les résultats bien meilleurs au box-office international pour le film de Lespert s’expliquent par sa sortie antérieure sur les marchés étrangers et par la facture plus classique de son film, alors que Bonello s’inscrit clairement dans un cinéma d’auteur plus expérimental. Saint Laurent sera toutefois choisi pour représenter la France pour l’Oscar du meilleur film étranger en 2015.

Le Yves Saint Laurent de Lespert s’efforce de donner une vision cohérente et unificatrice de la marque et de l’homme. Ainsi, son affiche fusionne graphiquement le corps de Pierre Niney (Yves Saint Laurent) et le sigle emblématique YSL et emploie pour le titre, c’est-à-dire aussi pour le nom-même du couturier, la typographie originale conçue par le graphiste Cassandre pour la marque (voir ). De même, la division parfums et cosmétiques Yves Saint Laurent Beauté, revendue à L’Oréal en 2008, a commandé à Niney, juste après la sortie du biopic, un « film publicitaire » pour promouvoir le parfum La Nuit de l’homme. Intitulé La Nuit de Pierre Niney, ce court-métrage donne la « vision de la nuit » de l’acteur, qui s’y met en scène dans une déambulation nocturne évoquant singulièrement le film Yves Saint Laurent. Cette stratégie dite de brand content, qui consiste à mettre en scène l’univers de la marque plutôt qu’à promouvoir un produit, et à transformer l’acteur du biopic en égérie de la marque, est cohérente avec le discours du film qui associe harmonieusement activité créatrice et développement commercial : dans un parti pris clairement hagiographique, le film de Lespert éclaire de manière relativement pudique les excès de Saint Laurent (drogue, dépression, liaison destructrice avec Jacques Bascher) et célèbre avec respect ses réalisations et le « génie créateur » du couturier. Le biopic retrace 20 années du partenariat amoureux et professionnel entre le couturier et l’homme d’affaires Pierre Bergé (Guillaume Gallienne), des premiers pas de Saint Laurent comme directeur artistique chez Dior en 1957 à la collection Opéra-Ballets russes en 1976. Il s’inspire autant de la biographie de Laurence Benaïm (Citation1993) que des Lettres à Yves (2010) écrites par Bergé (Citation2010) pendant l’année suivant la disparition de Saint Laurent, comme on le comprend avec le recours à la voix off de Bergé qui s’adresse directement à Saint Laurent et avec l’évocation de la vente aux enchères de la collection d’œuvres d’art du couple. Bergé a donné sa bénédiction au film qui, via la fondation Saint Laurent, utilise les costumes originaux créés par le couturier et est tourné dans les lieux où travaillait et vivait Saint Laurent (le studio de l’avenue Marceau, la maison Majorelle à Marrakech, l’ancien Hôtel Intercontinental, devenu Westin aujourd’hui, où avaient lieu les défilés). En se centrant sur le couple formé par Saint Laurent et Bergé, le film raconte aussi leur partenariat dans la création et le développement de la maison de couture et montre comme nécessaire la collaboration de l’homme d’affaires, qui contrôle l’image et la communication de Saint Laurent, et du créateur. L’accent mis sur les relations entre Saint Laurent et Bergé éclaire la complémentarité entre le créateur et l’homme d’affaires, leur partenariat dans l’édification de la maison Saint Laurent, et de ce fait l’articulation entre enjeux artistiques et enjeux commerciaux inhérente à la mode en tant qu’« industrie créative ». Enfin, la représentation de l’intimité des deux hommes contribue indéniablement à une visibilité nouvelle des couples gay dans le cinéma grand public français, à l’heure où la France adopte, en 2013, le mariage pour tous et où une série de manifestations, liées aux milieux catholiques conservateurs, s’oppose au mariage entre personnes du même sexe.

Figure 6. Affiche du film Yves Saint Laurent (Jalil Lespert, 2014).

Figure 6. Affiche du film Yves Saint Laurent (Jalil Lespert, 2014).

Yves Saint Laurent articule donc une stratégie de brand content, lié en partie à sa genèse (l’accord de Bergé), que l’on peut décrire comme globale, avec une patrimonialisation de Saint Laurent – le rôle vaut d’ailleurs le César du meilleur acteur à Pierre Niney. La place importante faite dans le récit à Bergé, figure médiatique plus nationale qu’internationale, au point qu’il devient presqu’un biopic de couple, l’accumulation de marqueurs authentiques de la mode parisienne et de ses lieux de création, ancrent clairement le récit dans un espace national. Y contribuent aussi des références historiques ou visuelles, comme la guerre d’Algérie qui est explicitement donnée dans le film comme l’élément déclencheur de la maniaco-dépression du couturier, ou une réminiscence de La Piscine (Jacques Deray, 1969) dont les images sont presque recréées par Lespert pour évoquer le début de la liaison entre les deux hommes.

Ces éléments mémoriels sont en revanche absents du Saint Laurent de Bonello, qui présente une formule postnationale bien différente. Ce deuxième biopic couvre un période très sombre de la vie de Saint Laurent (1967–1976) et associe longues scènes de création et longues scènes d’autodestruction montrées avec un certain voyeurisme (dépression, consommation de drogue et d’alcool, rencontres homosexuelles brutales dans les buissons du jardin des Tuileries et sur les chantiers, orgies dans la garçonnière de Jacques de Bascher, etc.). L’intention n’est pas de raconter Saint Laurent mais de montrer « ce que ça coûtait quotidiennement à Saint Laurent d’être Saint Laurent », selon les mots de Bonello dans le dossier de presse du film. Alors que le biopic de Lespert favorisait les plans larges permettant d’apprécier la beauté des décors authentiques, celui de Bonello enferme Saint Laurent, incarné ici par Gaspard Ulliel, dans des cadrages beaucoup plus resserrés et dans des décors assez claustrophobiques, tant pour des raisons esthétiques qu’économiques. Les deux premiers tiers du film tressent, sans organisation chronologique linéaire, des images appartenant à la décennie 1967–1976, la dernière partie fait alterner deux temporalités : le temps de la préparation du défilé Opéra-Ballets russes de 1976 où créativité et autodestruction atteignent leur paroxysme ; un temps postérieur au reste du récit, où l’on découvre un Saint Laurent âgé, enfermé dans son appartement au milieu de ses œuvres d’art et de ses souvenirs, et incarné par Helmut Berger qui regarde à la télévision le jeune Berger des Damnés de Visconti.

Le film de Bonello célèbre de manière assez caricaturale la figure masculine de l’artiste maudit en proie à ses démons, du dernier des grands qui devient à la fin du récit comme un « pharaon dans sa tombe ». Contrairement au film de Lespert, ce biopic dissocie donc assez logiquement art et industrie, en faisant un portrait à charge de Pierre Bergé (Jérémie Renier) en exploiteur du talent et de la fragilité de Saint Laurent. La dimension commerciale fait l’objet d’une seule séquence où l’on voit Bergé négocier avec les actionnaires américains. S’il le fait visiblement avec un certain talent, la complexité des négociations, que le film n’a pas préalablement contextualisées, et le bilinguisme de la séquence où une interprète redit alternativement en anglais et en français les paroles des deux parties, rendent le propos à peine compréhensible. De plus, le film regarde avec un dédain perceptible la marque YSL, clairement vue comme une altération dégradante de l’identité du couturier. Saint Laurent âgé se plaint d’avoir « l’impression d’être devenu un sac à main » ; à son interlocuteur qui lui dit qu’YSL est devenu une marque planétaire, il répond avec humour que YSL signifie surtout pour lui « Y Est Seul ». Contrairement au film de Lespert qui est relativement indifférent à la question de la célébrité, Saint Laurent interroge la relation entre art, modernité et célébrité en instaurant un dialogue entre Saint Laurent et Andy Warhol dès l’orée du film. Saint Laurent, qui fait jouer le disque « Venus in Furs » du Velvet Underground, lit une lettre de fan (inventée) que lui a adressée Warhol. Ce dernier y prétend être ennuyé par l’art, considérant la célébrité comme le véritable accomplissement. Il demande de manière provocante pourquoi le designer n’a pas encore réussi à faire la robe Warhol, devenant ainsi l’un des véritables génies de la mode. Dans sa réponse, Saint Laurent affirme qu’il a simplement voulu être moderne en créant la robe Saint Laurent. Comme l’analyse Nick Rees-Roberts :

la fascination mutuelle entre le couturier et l’artiste pop n’en est pas moins révélatrice de leurs aspirations communes et de leurs ambitions contrastées : Warhol est un artiste qui a embrassé la publicité et courtisé le public ; Saint Laurent a créé sa ligne de prêt-à-porter pour être populaire.Footnote9 (Citation2016, 155)

À travers ce dialogue, la figure de Saint Laurent se confond donc partiellement avec celle de Warhol, comme dans la suite du film elle fusionne avec celle du vieux Helmut Berger (voir ). Bien qu’ainsi la figure du couturier français se voie rattachée à une pop culture internationale (et à ses aspirations et ses inquiétudes), le biopic maintient un lien avec un espace culturel national, avec de nombreuses références à Marcel Proust, pour lequel la passion de Saint Laurent est bien connue, au point que certains ont pu qualifier le film de Bonello de « film proustien » (Krieger Citation2018) : dès le début du film, un Saint Laurent en plein épisode dépressif se présente au réceptionniste d’un hôtel, le visage caché derrière des lunettes noires, sous l’identité de « Monsieur Swann ». Dans un biopic qui, selon un procédé assez typique du biopic d’auteur, morcèle l’identité de son personnage, les références globales, internationales ou nationales sont autant de fragments d’un kaléidoscope qui compose un portrait insaisissable du créateur torturé. De la même manière, l’anglais, qui y remplace dans deux séquences le français, est utilisé de manière polysémique : pour unir deux artistes modernes quand il s’agit du dialogue entre Warhol et Saint Laurent, puis comme langue des affaires absconse, contrepoint au monde de l’art, lors de la séquence de négociation commerciale. Enfin, comme le souligne l’échange avec Warhol, le caractère postnational du film de Bonello passe par une interrogation sur l’artiste moderne et la célébrité, dont Saint Laurent ne devient en quelque sorte que le support.

Figure 7. Helmut Berger (Yves Saint Laurent, âgé), au centre dans Saint Laurent de Bertrand Bonello, avec, au fond, le portrait sérigraphié d’Yves Saint Laurent réalisé par Andy Warhol en 1972.

Figure 7. Helmut Berger (Yves Saint Laurent, âgé), au centre dans Saint Laurent de Bertrand Bonello, avec, au fond, le portrait sérigraphié d’Yves Saint Laurent réalisé par Andy Warhol en 1972.

Comme l’ont montré l’analyse des deux biopics sur Saint Laurent ainsi que l’évocation de La Môme les biopics français contemporains, lorsqu’ils ont l’ambition de conquérir un marché global (et le budget nécessaire), ne dissolvent pas pour autant toute spécificité nationale, toute différence culturelle, contrairement à ce que suggérait Martine Danan quand elle proposait, à propos des super-(co)productions françaises des années 1980 et 1990, le qualificatif de « postnational » pour désigner un mode de production qui « efface la plupart des éléments distinctifs qui ont traditionnellement aidé à définir la cohérence (peut-être) imaginaire d’un cinéma national » (Danan Citation1996, 78).Footnote10 À l’exception peut-être des deux exemples anglophones (The Lady et Grace de Monaco), les biopics articulent en effet, dans un espace globalisé, des éléments qui font traditionnellement la « Frenchness du cinéma Français » : auteur, stars, personnages iconiques, décors, liens avec l’histoire, langue, vagues notions de style de vie ou caractère français, système de production et de financement (Vincendeau Citation2011). Ce faisant, en incorporant des éléments thématiques, linguistiques, stylistiques ou esthétiques internationaux ou globaux dans des récits concernant, en général, des figures et des icônes nationales, ils proposent, à travers le portrait de ces figures, une redéfinition de la « francité », qu’on ne peut limiter à une image stéréotypée d’une « France for export », mais qui entre en dialogue ou en tension avec une culture globale. Le biopic français confirme l’hypothèse de Sabina Mihelj selon laquelle la globalisation, qui modifie l’imaginaire collectif et la structure des états-nations, n’empêche pas l’existence de ce qu’elle appelle une « grammaire universelle de la nation » (universal grammar of nationhood) qui fonctionne comme un filtre et informe tous les aspects de la politique transnationale (ou supranationale), de l’économie internationale et de la culture globale populaire, qui ne se font pas en passant outre la nation mais à travers elle (Mihelj Citation2011, 187).

Plus globalement, le biopic français est le site de tensions entre différents niveaux d’identités, qui s’expriment jusque dans le caractère bicéphale du genre, avec des biopics clairement conçus pour un public domestique autour de personnalités locales, et d’autres qui ont en partage de mettre en scène des personnages français à forte notoriété internationale, de faire usage de différentes langues, et de promettre une exportabilité plus grande. Cette dualité des biopics français contemporains explique en partie le statut paradoxal du genre aujourd’hui, dans la mesure où les biopics à sujet plus local continuent de perpétuer des récits perçus comme nationaux. Dans les deux cas pourtant, le genre est marqué, comme le montrent l’adoption du label « biopic » et surtout l’évolution de sa réception critique, par une forme de déterritorialisation qui l’inscrit dans les discours davantage comme actualisation nationale d’une forme internationale que comme genre national. Ainsi les films peuvent-ils être lus comme des tentatives de reconfigurer, autour de figures singulières, l’articulation entre global, international et national, dans un contexte de globalisation accélérée des échanges, des images et des récits, mais aussi, comme nous l’avons vu avec Chocolat, dans un contexte postcolonial. Ce faisant, le genre conserve sa fonction de vecteur mémoriel d’un récit collectif, mais la met au service d’un récit souvent moins nationaliste, en tout cas plus polyphonique.

Acknowledgements

Les recherches pour cet article ont bénéficié du soutien généreux du Arts and Humanities Research Council de Grande-Bretagne, pour le projet Producing the Postnational Popular : the Expanding Imagination of Mainstream French Films and Television Series (2019–2023).

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author(s).

Additional information

Notes on contributors

Raphaëlle Moine

Raphaëlle Moine is Professor of Film Studies at the Université Sorbonne Nouvelle (IRCAV). She has published Les Genres du cinéma (2002), translated into English as Cinema Genre (2008), Remakes : les films français à Hollywood (2007), Les Femmes d’action au cinéma (2010), Vies héroïques : biopics masculins/biopics féminins (2017), L’Analyse des films en pratique (with A. Boutang, H. Clémot, L. Jullier, L. Le Forestier and L. Vancheri, 2018). She has edited a number of volumes, including most recently A Companion to Contemporary French Cinema (with Alistair Fox, Michel Marie and Hilary Radner, 2015), L’Âge des stars : des images à l’épreuve du vieillissement (with Charles-Antoine Courcoux and Gwénaëlle Le Gras, 2018) and Mise au point, n°15, « Chefs d’œuvre et navets : la construction de la qualité cinématographique » (with Laurent Jullier, 2022).

Notes

1. ‘[…] to praise Hollywood without offering France as a negative other.’

2. ‘Memory and history have become central questions in the study of the biopic as an international genre; the genre’s specific national and cultural inflections mean, as shown in the case of the classic American biopic, that life-writing cannot be separated from national writing […].’

3. ‘National and postnational […] are interrelated resembling gradations on a scale in which globalization and nationalism are polar elements that simultaneously structure and delimit a coherent system.’

4. ‘An idiom through which an additional identity is formed.’

5. ‘It does not assert its identity in difference, but […] it presents itself as the impersoNation of “difference”.’

6. Chalaye emploie le terme car elle utilise dans son texte le vocabulaire en cours dans les spectacles de la Belle Époque.

7. Immortalisé par le dessin de Toulouse-Lautrec, Chocolat dansant (1896), repris dans Un Américain à Paris (Vincente Minnelli, 1952).

8. Le corpus de biopics pris en compte par Unifrance est un peu différent de celui que je prends en compte dans cet article, par ses dates (mais il comptabilise seulement deux biopics avant 2007) et par l’usage de la catégorie « biopic » : par exemple Mesrine (Jean-François Richet, 2008) y est considéré comme policier/thriller, un genre dans lequel le range aussi le CNC et que son producteur, Thomas Langmann, avait aussi retenu pour le vendre à l’étranger du fait du peu de notoriété internationale de celui qui fut « l’ennemi public numéro un » dans la France des années 1970 (Dupont Citation2008).

9. ‘[…] the mutual fascination between the fashion designer and the pop artist is nonetheless revealing of their shared aspirations and contrasting ambitions: Warhol was an artist who embraced advertising and courted publicity; Saint Laurent created his ready-to-wear line to be popular.’

10. ‘[…] erases most of the distinctive elements which have traditionally helped define the (maybe) imaginary coherence of a national cinema.’

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